Formules pour l’IFR (4): anticipation de virage pour intercepter un axe

Je souhaite rejoindre l’ILS pour la piste 25, axé sur 250°.
Ma route actuelle, donnée par mon cap corrigé du vent, est 340°.
Actuellement mon ADF m’indique que la route pour rejoindre l’aéroport est au 270°. Je suis donc au sud de l’axe ILS.
Il y a 40 secondes, sur la même route, mon ADF m’indiquait 280°.
Quand dois-je initier mon virage à gauche pour me trouver sur l’axe de l’ILS en sortie de virage?
La première formule que nous allons voir dans cet article permet de déterminer par un calcul mental très simple que je suis à 4 minutes de l’aéroport.
La deuxième formule que nous allons voir permet, aussi par un calcul mental très simple, de déterminer que si j’initie un virage à gauche au taux 1 lorsque mon ADF indiquera que je suis à 5° de l’axe, soit sur un QDM 255°, je serai parfaitement aligné sur l’axe en sortie de virage. Notez que l’aiguille de mon localizer ne commencera à donner une indication précise que lorsque je serai à 2½° de l’axe: si j’attends ce moment pour virer, il sera trop tard pour m’aligner proprement.

Distance à une balise
Si on parcourt α degrés d’un arc de cercle de rayon r centré sur une balise, la distance parcourue est {{D}=\frac{\alpha \, \pi \, r}{180 }}.
On a donc {{r}=\frac{D}{\alpha }.\frac{180}{\pi }}
Divisons les deux membres par la vitesse sol v, est faisons l’approximation habituelle {\pi \simeq 3}, ou encore {\frac{180}{\pi}\simeq 60}, on obtient alors
{\frac{r}{v}=60\frac{\frac{D}{v}}{\alpha}}
{\frac{r}{v}} est la durée T qu’on mettrait pour rejoindre la balise, et {\frac{D}{v}} est la durée t pour parcourir l’arc de cercle.
On peut donc conclure que si on parcourt α degrés d’un arc de cercle centré sur une balise en t secondes, la durée pour rejoindre la balise est {\textbf{T=}\frac{\textbf{t}}{\mathbf{\alpha}}} minutes
Exemple
Je parcours 10° en 30 secondes sur un arc centré sur une balise, il me faut 30/10=3 minutes pour rejoindre la balise.

Anticipations de virage
Cette partie est très importante pour être à l’aise en évolution IFR. Vous devrez faire un petit effort pour bien comprendre, mais vous serez récompensés par une plus grande aisance lors des exercices IFR.
Je souhaite rejoindre une balise radio électrique sur un axe, par exemple un VOR sur l’axe 250°. Mon but sera atteint quand je serai sur une route à 250° qui me conduira à la verticale de la balise.
Je saurai que je suis correctement positionné
1- en voyant l’aiguille de mon VOR centrée avec l’OBS sur 250°,
2-l’affichage TO,
3-et en ayant une route au 250°, c’est à dire un cap qui, corrigé de la dérive, donne une route au 250°.
Il faut les trois conditions, demandez vous pourquoi.

Je rejoins l’axe sous un certain angle appelé angle d’interception i. Par exemple 30° (avec une route au 220° si je viens du nord, ou au 270° si je viens du sud), mais il se peut ce soit davantage, voire au delà de 90°.
Je ne connais pas la distance à la balise, mais mon HSI me donne aussi le QDM de la balise.
Comment savoir à quel QDM je dois commencer à virer vers 250° au taux 1 pour tomber pile sur l’axe? Autrement dit quel est l’angle d’anticipation α défini comme l’écart entre le QDM auquel je commence à virer et l’axe affiché sur l’OBS?
Je suppose que je connais la durée T pour rejoindre la balise (en minutes), par exemple grâce à la méthode exposée plus haut. Si on note d la distance à la balise et r le rayon du virage exécuté pour rejoindre l’axe, on peut poser d sin α = r (1 – cos i), ou encore {\alpha= \arcsin \frac{r( 1-\cos \, i)} {d}}. En remplaçant d par le produit de la durée T et de la vitesse v, et r par { \frac{v} { \pi}}, sa valeur trouvée dans un précédent article, la vitesse se simplifie et on trouve (A){\alpha= \arcsin \frac{ 1-\cos \, i} { \pi \ T }}

Vous connaissez probablement déjà la formule {\sin x \simeq \frac{x} {60}}, avec x exprimé en degrés, qui consiste à approcher le sinus par sa corde à 30°. Cette formule approchée donne des valeurs exactes pour les angles 0° et 30°, et des valeurs très précises entre 0° et 30°. Pour notre calcul, nous allons approcher le sinus par la formule {\sin x \simeq \frac{x} {20\pi } \simeq \frac{x} {63}}, ou encore { {\arcsin x } \simeq {20\pi } {x}}, formule qui approche le sinus par sa corde à environ 42¼°. L’erreur ne dépasse 1½° qu’au delà d’un sinus de ¾, soit environ 50°. Dans la plupart des cas, l’angle d’anticipation sera très largement inférieur à 50°, dans la vie courante du pilote il dépasse rarement 10°, l’approximation est donc pleinement justifiée.
L’intérêt de cette approximation est qu’elle permet de simplifier considérablement la formule (A) qui devient (B) {\alpha \simeq \frac{ 20 (1-\cos \, i)} { \ T }}

Poursuivons en approchant la formule { 1-\cos i} par sa corde entre les points 60° et 120°:  {1-\cos \, i \simeq \frac{ i} {60}-\frac{1} {2} }. Cette formule donne des valeurs exactes pour 60°, 90° et 120°. L’erreur de cette approximation ne dépasse pas ½° entre 60° et 120°. À 45° et 135° l’erreur est de 4°, mais l’approximation diverge fortement en deçà de 45° et au delà de 135°.
On arrive alors à la formule suivante, valable pour des angles d’interception supérieurs à 45° et inférieurs à 135°.
(C) {\alpha\simeq \frac{ \frac{i}{3}-10} { \ T }}

Formules donnant l’angle d’anticipation en fonction de la durée T pour rejoindre la station et de l’angle i d’interception

Angle d’interception i (B)
Formule approchée {\alpha\simeq \frac{{ 20} (1-\cos \, i)} {\ T }}
(C)
Formule approchée {\alpha \simeq \frac{\frac{i}{3}-10} { \ T }}
Formule approchée donnée par les manuels
30°{\frac{3} {T}}{0}{\frac{3} {T}}
45°{\frac{6} {T}}{\frac{5} {T}}{\frac{6} {T}}
60°{\frac{10} {T}}{\frac{10} {T}}{\frac{10} {T}}
75°{\frac{15} {T}}{\frac{15} {T}}
90°{\frac{20} {T}}{\frac{20} {T}}{\frac{20} {T}}
105°{\frac{25} {T}}{\frac{25} {T}}
120°{\frac{30} {T}}{\frac{30} {T}}{\frac{30} {T}}
135°{\frac{34} {T}}{\frac{35} {T}}
150°{\frac{37} {T}}{\frac{40} {T}}
165°{\frac{39} {T}}{\frac{45} {T}}
180°{\frac{40} {T}}{\frac{50} {T}}{\frac{40} {T}}

On constate que les manuels proposent des formules sérieuses, et que notre formule (C) ne doit pas être utilisée pour des angles d’anticipation inférieurs à 50°, ni supérieurs à 135°, ainsi que nous l’avons annoncé plus haut.
En pratique, dans la vie de tous les jours du pilote, l’angle est assez faible.
On a vu dans l’exemple en tête de cet article qu’il fallait une anticipation à 5° pour un angle d’interception à 90° lorsqu’on est à 4mn de la balise. Pour une interception à 30°, il aurait fallu moins d’un degré d’anticipation, ça parait faible, mais c’est entre 1 et 2 points de localizer, ce n’est donc pas négligeable.

Enfin, notre tableau n’est valable que pour des virages au taux 1! Dès que nous volerons sur des avions plus sérieux que nos avions école, qui voleront si vite qu’ils ne pourront conserver le taux 1, il faudra les abandonner. Si vous virez au taux ½, ce que font parfois les pilotes automatiques lorsque le taux 1 fait dépasser 25° d’inclinaison, il suffit de doubler l’angle d’anticipation, mais si vous virez à un angle d’inclinaison déterminé, par exemple 25° ou 30°, alors il faudra établir une autre formule

Quelques formules pour l’IFR (3)

Dans la partie relative à l’anticipation des virages fly-by de cet article, après avoir établi la formule
{D =(\frac{i}{100}- {0.3})\frac{V}{100}},
je finissais en écrivant
On voit que l’approximation n’est valable qu’entre 60° et 120°, ce qui n’est pas trop gênant puisque:
– à moins de 60°, on anticipera en général du minimum lisible sur nos instruments, soit 0.1NM;

En fait c’est gênant pour des avions qui évoluent plus vite que les 90kt de notre Cessna 172 pendant les exercices de procédure en double commande. Les procédures IFR se pratiquent, lorsqu’on n’est plus à l’école, à plus grande vitesse et le contrôle vous demandera régulièrement de garder les 120kt aussi longtemps que possible sur un Cessna 172, et la quasi-totalité des autres avions IFR voleront bien plus vite.
30° est un angle d’interception courant pour les procédures GNSS. A 120kt il faut 0.2NM d’anticipation, à 200kt 0.3NM, bien au dessus des 0.1NM que je suggérais dans mon article précédent, et surtout s’il s’agit d’intercepter la finale, ce n’est pas le moment de dépasser l’axe!
J’ai donc cherché une formule plus adaptée au problème.
J’avais établi la formule de la distance d’anticipation (en NM pour une vitesse exprimée en kt)
{D =\frac{V}{60 \, \pi} \tan\frac{i}{2}}
La durée d’anticipation en secondes se déduit cette formule
{T =\frac{3600}{60 \, \pi} \tan\frac{i}{2}=\frac{60}{\pi} \tan\frac{i}{2}}
La formule ne dépend plus de la vitesse, c’est déjà une simplification.
En prenant pour approximation la corde de cette fonction pour un angle d’anticipation de 80°, on trouve que l’anticipation en secondes d’un virage fly-by est voisine de deux dixièmes de l’angle en degrés.
{T \simeq\frac{2}{10} i}
Quelle que soit votre vitesse, l’anticipation d’une interception à 30° doit être ainsi de 6 secondes.
Comme la durée jusqu’au prochain point est en général donné directement par votre GPS, cette formule est très facile à utiliser lors de procédures PBN. Si vous suivez une procédure classique, vous devez connaître votre temps au prochain point si vous appliquez la méthode qu’on vous a, j’espère, enseignée pendant votre apprentissage de l’IFR.
L’erreur ne dépasse pas une seconde entre 0 et 90°. Au delà de 90° cette approximation ne doit plus être utilisée. La fonction tangente étant divergente, il n’est pas possible d’envisager une approximation linéaire pour des angles significativement supérieurs à 90°

La formule établie plus haut est le fruit d’une approche purement géométrique, un instructeur expérimenté m’a suggéré une approche plus intuitive: au taux 1, je vire de 3° par seconde. Le temps pour un virage de 30° par exemple sera donc de 30/3=10 secondes, et par conséquent mon anticipation doit être de de la moitié, soit 5 secondes. Sa serait donc {T \simeq\frac{i}{6} }
Cette méthode revient à assimiler l’angle à sa tangente, ce qui n’est pas loin de la vérité tant que l’angle est petit.
En termes mathématiques, on arrive à cette formule en assimilant la fonction tangente à sa … tangente au point d’angle nul.
{\tan i \simeq \frac{\pi i}{180}}
{T =\frac{60}{\pi} \tan\frac{i}{2}\simeq\frac{60}{\pi}\frac{\pi \frac{i}{2}}{180}=\frac{i}{6}}

La formule de cet instructeur expérimenté n’est valable que pour les angles pas trop importants. Pour 90°, sa formule donne 15 secondes d’anticipation, la mienne donne 18 secondes, et la formule exacte 19 secondes. Avec une approche purement intuitive et de bon sens, on peut trouver des approximations opérationnelles sans connaître l’algèbre, mais la formule que je propose est à la fois plus simple et plus précise.

Fin des ILS sur les aéroports secondaires

La France entre dans la deuxième phase de l’implantation des approches GPS avec la disparition programmée des ILS sur les terrains secondaires, alors que d’autres pays n’en sont qu’au début, comme la Belgique qui n’a une approche GPS (à Anvers) que depuis fin 2015.
La liste a été publiée il y a quelques mois, et ça ira assez vite, avec notamment Melun le 3 mars prochain:
LFFA-E0235/16
A) LFPM MELUN VILLAROCHE B) 2016 Mar 03 00:00 C) 2016 Mar 16 23:59
E) NOTAM TRIGGER – AMDT AIRAC AIP PERM 03/16: ILS SUPPRIME. CARTES IAC SUPPRIMEES. CREATION CARTE APDC

Cette disparition progressive avait été annoncée de longue date, à mots couverts (rationalisation des moyens dans le jargon administratif), dans le plan PBN publié il y a quelques années déjà.
Il est notamment prévu de longue date dans ce plan PBN que la phase 2015-2019 verra le déploiement généralisé des approches RNAV (GNSS) sur l’ensemble des extrémités de piste des aérodromes IFR contrôlés et que cette phase devrait également voir se poursuivre le déploiement de procédures RNAV (GNSS) sur des aérodromes IFR non contrôlés.
On ne peut que se réjouir des économies dont bénéficieront les aéroports secondaires, et qui contribueront peut-être à leur maintien en activité.
Il reste que la formation reste très en retard: dans certains pays de l’EASA l’enseignement de l’IFR est toujours fait comme si le GPS n’avait pas été inventé.
La France de son coté considère que les nouveaux titulaires d’une qualification IFR n’ont pas le droit de suivre des approches GNSS sans formation ad hoc. Ce qui revient à admettre qu’on donne une qualification IFR à des pilotes incapables de suivre une approche GNSS, alors que dans le même temps on considère que l’approche GNSS est l’approche standard qui devrait être publiée par tout aérodrome IFR.

Vérifiez donc que votre ATO vous formera à faire des approches GNSS, sinon vous aurez une qualification IFR incomplète.