Voler avec le Velis Electro, quelques remarques

sur des sujets sur lesquels le cursus de formation officiel n’insiste pas.

1 La réserve finale définie par l’AMC1 NCO.OP.125(b) est de 10 minutes à 1500 ft AAL à la puissance maximale continue pour un vol local restant en permanence en vue de l’aérodrome, ou de 30 minutes à la vitesse d’attente si ce n’est pas un vol local, ou si l’aérodrome n’est pas maintenu en permanence en vue.

Le manuel de vol du Vélis indique des valeurs de consommation en fonction de la charge de la batterie bien entendu (0% à 100%), mais aussi de l’état de santé de la batterie, appelé SOH (State Of Health), qui varie de 100% à 0%. L’état de santé de la batterie diminue en fonction de la vie de la batterie. La batterie atteint, selon mes informations, son potentiel de 500h avant d’atteindre 0% de SOH.
Attention: le manuel de vol, par exemple 5-19, propose une réserve de 10mn à 20kW, inférieure au minimum prévu par la réglementation qui dit que la réserve doit être calculée à la puissance maximum continue, soit 35kW pour le Vélis. Le manuel indique aussi qu’il faut prévoir au minimum 30% de SOC à l’atterrissage, alors qu’il faut en réalité prévoir plus si le SOH n’est pas supérieur à 80%, si on veut rester dans les limites de la réglementation.

Exemples (cf page 5-20 du manuel de vol, page que je vous suggère d’imprimer et de garder sous la main)

Pour un vol de navigation ou un vol local au cours duquel vous ne gardez pas l’aérodrome en vue, sous l’hypothèse d’un SOH de 60%
Décollage et montée à 300ft AAL 5%
Montée complémentaire à 1300ft AAL 8% (à 75 KIAS et 48kW)
Vol économique 16 mn 30% (à 71 KIAS et 20 kW)
Réserve finale 30 mn 57% (à 71 KIAS et 20kW)
Total 100%


Pour un vol local en vue de l’aérodrome, toujours sous l’hypothèse d’un SOH de 60%
Décollage et montée à 300ft AAL 5%
Montée complémentaire à 1300ft AAL 8% (à 75 KIAS et 48kW)
Vol économique 26 mn 51% (à 71 KIAS et 20 kW)
Réserve finale 10 mn 36% (à 93 KIAS et 36kW)
Total 100%

2 Les exemples ci-dessus prévoient un atterrissage avec uniquement la réserve finale, ce qui veut dire qu’en cas de remise de gaz ou d’attente vous entamerez cette réserve, sauf si vous avez écourté votre vol suffisament.
Au retour dans le circuit il faut donc refaire un bilan carburant, ou plutôt un bilan énergie. Comme le tour de piste coute 12% à 60% de SOH (cf manuel 5-20), et que votre réserve finale est de 36%, si votre bilan énergie montre que vous serez posés avec moins de 48%, alors vous savez que vous entamerez votre réserve finale en cas de remise de gaz. Vous devez donc dans un tel cas annoncer Fuel Minimum au contrôleur (NCO.OP.185) dès votre bilan carburant fait, et, si vous devez remettre les gaz, vous devrez annoncer au contrôleur Mayday Mayday Mayday Fuel. (NCO.OP.185).
Le GM1 NCO.OP.185 apporte les précisions suivantes:
Ces annonces ne sont obligatoires que sur un aérodrome contrôlé, mais on peut envisager de les faire aussi sur un aérodrome avec un AFIS, ou même en auto-information. Vous pouvez aussi envisager d’annoncer votre autonomie résiduelle en cas d’annonce Fuel Minimum ou Mayday Fuel dans la mesure où elle dépend du type de vol.

3 On remarque qu’un vol de 40mn n’est pas possible en respectant la réglementation, sauf si le SOH est proche de 100%, alors qu’un tel vol est obligatoire pour maintenir la variante SEP électrique en état de validité (cf. article 2 de la dérogation du 28 novembre 2022 fixant les règles à appliquer pour acquérir et maintenir les privilèges permettant de piloter un avion électrique).

4 L’autonomie est tellement faible qu’on adoptera en général la vitesse économique de 71KIAS. À cette vitesse, l’assiette est trop cabrée pour avoir une visibilité satisfaisante devant soi. Il faut penser à zigzaguer pour voir ce qui se passe devant, un très bon exercice pour bien maîtriser l’usage du palonnier qui est particulièrement délicat sur cet avion en raison de ses grandes ailes.

5 À la vitesse de vol économique de 69KCAS (71 KIAS), on est à 1.35 Vs (la vitesse de décrochage étant de 51KCAS (53 KIAS)), alors qu’on conseille en général d’adopter une vitesse de 1.45 Vs minimum pour pouvoir évoluer en sécurité. Un virage à 30% d’inclinaison parfaitement symétrique donne une marge faible d’environ 25% par rapport au décrochage. Si votre virage n’est pas parfaitement symétrique, la marge est encore plus faible. Soyez donc prudent et n’oubliez pas le réflexe en cas d’activation du vibreur de manche: pousser le manche en avant sans hésiter, et sans mouvement latéral du manche. Une fois le vibreur arrêté, alors vous pouvez agir latéralement sur le manche pour remettre les ailes à plat.

6 Pour planifier votre vol, nous n’avez pas d’autre choix que celui d’utiliser les chiffres du manuel de vol, mais une fois dans l’avion, vous pouvez utiliser diverses techniques pour économiser l’énergie :
– décoller sans volets (c’est autorisé, cf. Manuel 4-12) ;
– limiter la puissance à 50kW au décollage(puissance minimum permise au décollage, cf. Manuel 4-12) ;
– limiter la puissance à 35 kW en montée initiale (puissance minimum recommandée en montée initiale, cf. Manuel 3-21)
Mais bien évidemment, il faut vous assurer que la piste est assez longue, que la puissance que vous affichez est suffisante, en fonction des circonstances, pour vous affranchir des obstacles avec une marge de sécurité suffisante.

7 L’utilisation des volets :
– Pensez à demander à votre passager à ne rien mettre dans sa poche gauche, pour pouvoir accéder facilement à la commande de volets ;
– Le manuel dit qu’il est difficile de tenir la vitesse en approche avec les volets en position 0, il recommande donc l’atterrissage plein volets (4-19). Pourquoi ?

En fin de vol, le choix économique en énergie est de sortir les volets le plus tard possible et de réduire la vitesse sous 71 KIAS le plus tard possible.
Cependant.
Si vous êtes à 71KIAS sur un plan à 3°, votre taux de chute sera d’environ 350ft/m. La finesse moteur coupée est de 15 (cf. Manuel 3-19) soit environ 450 ft/mn à 71KIAS. Ce qui veut dire que si vous subissez une petite ascendance, ou si vous vous trouvez à une hauteur un peu trop haute qu’il vous faut corriger par un taux de chute supérieur à 450ft/mn, une fois que vous aurez tout réduit, votre vitesse augmentera au delà de 71KIAS.
La méthode de sortie des volets le plus tard possible augmente donc le risque de non stabilisation en finale, et donc le risque d’avoir à refaire un tour de piste, alors qu’en général on est en limite d’autonomie. Je suggère donc de sortir les volets et de réduire la vitesse suffisamment tôt pour être bien stabilisé à 60kt en finale avec les volets en position 2.

La plage de vitesse autorisée avec les volets en position atterrissage est très réduite: 60kt-65kt, c’est une raison supplémentaire pour stabiliser la vitesse en approche assez tôt.

8 Une limitation inhabituelle figure au manuel de vol (2-15): le vol est interdit par forte pluie. Il semble que cette limitation ne figure pas sur les manuels des versions à essence, je pense donc qu’il s’agit d’une limitation due au fait que l’eau et l’électricité ne font pas bon ménage.

9 Replanification: bien que la partie NCO me semble muette sur ce point, je ne vois rien qui s’oppose à replanifier. Par exemple, dans le cas d’un vol de navigation, que vous avez planifié avec 30 mn de réserve, ou d’un vol local hors la vue de l’aérodrome planifié également avec 30 mn de réserve, en fin de vol, dès que vous voyez votre aérodrome de destination, ou dès que vous voyez à nouveau votre aérodrome de départ, et pour autant que vous ne comptiez plus le perdre de vue, vous avez selon moi le droit de replanifier votre réserve et de la descendre à 10mn. Dans l’exemple d’un SOH à 60% que j’a pris depuis le débit, ça vous fait gagner 21%, donc un tour de piste (12%), voire un tour de piste suivi d’un tour de piste basse hauteur.

10 La réserve finale est définie dans un AMC, ce qui veut dire qu’on peut déposer un moyen alternatif de conformité proposant une réserve finale calculée autrement. Je pense que sur un aérodrome muni de deux pistes, sous certaines conditions d’expérience des pilotes, de météo, de planification, et de documentation de la consommation réelle d’énergie, on pourrait envisager une réserve plus petite que les 10 mn à puissance maximum continue si on reste en tour de piste, par exemple celle du manuel de vol de 10 minutes à 20kW, et aussi qu’on pourrait envisager, sur des itinéraires définis à l’avance qui quitteraient la vue de l’aérodrome, une réserve finale inférieure aux 30 mn de l’AMC.