Anémométrie

L’anémomètre de bord, qu’on appelle aussi badin, vous indique la vitesse. De quelle vitesse s’agit-il, et comment la mesure-t-on?

Vous verrez sur tous les avions un ensemble pitot-statique
Principe du Tube Pitot

La pression qu’on mesure dans le tube de pitot aligné avec le flux d’air s’appelle pression totale pt.
La pression mesurée à la prise de pression statique perpendiculaire au flux d’air s’appelle pression statique ps.
La différence pt-ps est appelée souvent dans les manuels (par exemple le manuel Cepaduès bien connu) pression dynamique.
Dans mon article sur la portance, je vous disais que ½ ρ V² est souvent aussi appelé pression dynamique.
Pour les basses vitesses, typiquement moins de 300kt, on peut considérer que les valeurs de ½ ρ V² et de pt-ps sont, à toutes fins pratiques en aviation, égales et donc le fait de les appeler par le même nom n’est pas trop gênant.
L’égalité de ces valeurs aux basses vitesses est une propriété qu’on peut vérifier expérimentalement, et qui peut être expliquée théoriquement par le théorème de Bernoulli, qui exprime la conservation de l’énergie pour un fluide lorsque certaines hypothèses, et notamment la non compressibilité, sont réunies (à grande vitesse, les deux valeurs ne sont plus égales. Il existe une formule, dite de Saint-Venant, qui relie pt-ps à V, mais qui demande en plus de connaitre la température).

Considérons donc que pt-ps=½ ρ V² pour nos avions légers.

Contrairement à la formule de la portance, qui est une définition et donc ne véhicule pas de savoir, cette formule pt-ps=½ ρ V² est établie par la théorie et confirmée par l’expérience: elle contient donc du savoir qui va nous être utile pour mesurer notre vitesse en avion.
Si nous mesurons pt-ps grâce à notre ensemble pitot-statique, nous pouvons,en résolvant pour V l’équation pt-ps=½ ρ V², en déduire la vitesse V=√2 (Pt-Ps)/ρ.
La masse volumique de l’air ρ dépend de la température et de la pression, ce n’est pas une grandeur fixe, donc notre ensemble pitot-statique n’est pas suffisant pour nous donner la vitesse, puisqu’il nous faudrait connaitre ρ.

La vitesse dont nous parlons depuis l’article sur la portance est la vitesse de l’avion par rapport à l’air. On l’appelle vitesse propre Vp. Dans les manuels anglophones elle est notée TAS, True AirSpeed.
Nous allons maintenant définir une autre vitesse, appelée vitesse conventionnelle, et notée Vc. Dans les manuels anglophones elle est notée CAS, Calibrated AirSpeed.
La définition officielle dit que Vc est égal à Vp si la température est de 15°C et la pression de 1013¼ hPa, c’est à dire si on est dans les conditions de l’atmosphère standard à l’altitude pression nulle. La masse volumique de l’air dans ces conditions est notée ρ0 et est égale à environ 1.225 g/l ou kg/m³.
Pour les vitesses inférieures à 300kt, on peut définir Vc par la formule suivante
Vc=   √ρ/ρo Vp, ou autrement écrit ½ ρ Vp²= ½ ρ0 Vc²
Vous constatez que si ρ=ρ0, autrement dit si la température est de 15°C et la pression de 1013¼ hPa, on a bien Vc=Vp, comme le commande la définition officielle de Vc.

En reprenant notre formule du début pt-ps=½ ρ Vp², et en remplaçant ½ ρ Vp² par ½ ρ0 Vc², notre formule devient pt-ps=½ ρ0 Vc². En résolvant cette équation pour Vc on trouve Vc=√2 (Pt-Ps)/ρo. Il n’est plus nécessaire de connaitre la masse volumique au moment de la mesure, on prend une valeur constante ρ0=1.225 kg/m³.
Notre ensemble pitot-statique, nous permet donc de connaitre directement Vc, alors qu’il ne pouvait pas nous permettre de connaitre Vp sans donnée suplémentaire.

L’anémomètre de bord est conçu pour indiquer la vitesse la plus proche que possible de la vitesse conventionnelle Vc. Comme il y a toujours des erreurs de mesures, on désigne par Vi, vitesse indiquée, la valeur indiquée par l’anémomètre. L’écart entre Vc et Vi en fonction de Vi figure dans un tableau que vous trouverez dans le manuel de vol au chapitre 5, performance (page 5-10 dans le manuel de vol du Cessna 172 qu’utilisent mes élèves). Vous constaterez en général que le système est calibré pour que l’erreur soit minimale autour de la vitesse d’approche.

Donc notre anémomètre nous indique une bonne approximation de Vc ,mais ne nous donne aucun renseignement sur Vp.
De la définition de Vc on tire Vp= √ρo/ρ Vc. On en déduit que la vitesse propre est supérieure à la vitesse conventionnelle si la densité est plus petite que 1.225 kg/m³, ce qui est le cas par temps chaud ou en altitude. A titre de règle pratique, il faut ajouter à Vc  1% de Vc par 600ft d’altitude et par 5°C d’écart par rapport aux conditions ISA.Exemple: vous volez au FL60, il fait -2°C. FL60 c’est 10 x 600 ft, donc il faut rajouter 10% à cause de l’altitude. Au FL60 la température standard est de 3°C, on est donc en conditions ISA-5°C, il faut retrancher 1% à cause de la température, et donc au global ajouter 9%. Si votre vitesse indiquée est de 103kt dans le Cessna 172S, votre vitesse conventionnelle est de 100kt d’après le manuel de vol, votre vitesse propre est donc de 109kt. Ça vous parait peut-être compliqué mais en réalité on n’a pas besoin d’une telle précision et Vp n’est pas très utile au pilote, ainsi que vous le verrez quand vous étudierez la navigation.

En revanche Vc a un intérêt majeur ainsi que nous l’allons voir.

Reprenons la formule de la portance, vue dans cet article.
P = S Cz ½ ρ Vp²
Vous constatez que la portance dépend de ρ, de Vp et de Cz.
Pour obtenir une portance donnée à une vitesse propre donnée, l’incidence nécessaire dépend de la masse volumique, et donc de la température et de l’altitude du moment.
Si on remplace dans la formule de la portance ½ ρ Vp² par ½ ρ0 Vc², grandeurs qui sont égales par définition, on trouve

P = S Cz ½ ρ0 Vc²

Vous voyez alors que la portance ne dépend plus que de Vc et de Cz et ne dépend plus ni de l’altitude, ni de la température.
Ça veut dire que pour un poids donné de l’avion, il existe une unique vitesse conventionnelle de décrochage en palier, et donc une unique vitesse indiquée de décrochage en palier, qui ne dépend pas de la densité du jour, de même qu’il existe une unique vitesse indiquée de rotation qui ne dépend pas de la densité du jour.
Plus généralement, pour obtenir une portance donnée à une vitesse indiquée donnée, l’incidence nécessaire ne dépend pas de la température du jour ni de l’altitude. Cette propriété très utile n’aurait pas été obtenue si l’indicateur de vitesse indiquait la vitesse propre.
Vc est donc  bien plus utile au pilote que Vp.

Auteur : Xavier

Pilote instructeur avions et ULM, pratiquant aussi le planeur, le motoplaneur et l’hélicoptère. Aeroplane and Microlight Aircrafts Flight Instructor. I also fly motorgliders, gliders and helicopters

Une réflexion sur « Anémométrie »

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